Breton/Soupault | Les Champs magnétiques

“Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire.” André Breton, Manifeste du surréalisme
L'ÉTERNITÉ

Ouverture des chagrins une deux une deux
Ce sont les crapauds les drapeaux rouges
La salive des fleurs
L'électrolyse la belle aurore
Ballon des fumées des faubourgs
Les mottes de terre cornet de sable
Cher enfant toléré tu souffles
Jamais poursuivi le mauve lumière des maisons closes
Le tapis est bordé de nids de feuilles mortes
Les déménagements suivis des orphéons villageois
Sur les murs pour les jours de fête on accroche des yeux
joujoux des pauvres
Adieu source des maladies
Tous les cris tous et ceux qui restent sont liquides
Pour grandes personnes l'ordre rouge
Maison soleil danse oubliant les voiles du brouillard
Eté lune
La lanterne et le petit arbre gris qui porte un nom exotique
0 133 ce sont les doigts des ataxiques les vignes des champs
La biologie enseigne l'amour
Tissez les lucides vérités
On entoure ma tête d'un bandage
Crime ou suicide
L'acétylène est un œillet blanc
Les affreux lorgnons

- André Breton, Philippe Soupault, Les Champs magnétiques

“Le poème L’éternité tiré du recueil Les Champs Magnétiques coécrit en 1919 par André Breton et Philippe Soupault est un poème surréaliste réalisé grâce au procédé d’écriture automatique. Il consiste à écrire le plus rapidement possible, sans contrôle de la raison, sans préoccupations esthétique ou morale, voire sans aucun souci de cohérence grammaticale ou de respect du vocabulaire.” (Source)

«Au printemps 1919, André Breton et Philippe Soupault tentent l’expérience poétique on ne peut plus déterminante de l’écriture automatique. Partant de l’hypothèse que «la vitesse de la pensée n’est pas supérieure à celle de la parole et qu’elle ne défie pas forcément la langue, ni même la plume qui court», ils décident de «noircir du papier» afin de parvenir à la «pensée parlée», pensée qui n’est nullement censurée. Les deux jeunes poètes éprouvent alors un «louable mépris» pour ce qui pourrait s’ensuivre: ils n’ont aucun désir d’aboutir à un livre ou de constituer une oeuvre littéraire proprement dite. (source)

Pourtant, Les champs magnétiques, recueil composé de dix chapitres dont huit textes automatiques obtenus lors de cette expérience poétique décisive, sera publié l’année suivante. Cette première oeuvre, issue de la formulation spontanée de la pensée, constitue le texte fondateur du surréalisme; c’est du moins ainsi que l’ont perçu les surréalistes eux-mêmes, puis les différents critiques littéraires, et c’est à partir de cette oeuvre unique que Breton, dans son premier Manifeste (1924), définira tout à la fois le surréalisme et l’automatisme.»(source)

«Lorsque André Breton et Philippe Soupault conçoivent et expérimentent la méthode d’écriture d’où naîtront non seulement Les Champs magnétiques mais deux pièces de théâtre : Vous m’oublierez et S’il vous plaît, l’un a vingt-trois et l’autre vingt-deux ans. Au même âge, Rimbaud venait de rompre avec la poésie ; Isidore Ducasse s’arrachait aux Chants de Maldoror et affrontait cette Préface à un livre futur par quoi se donnent les Poésies.
En 1918, Breton et Aragon, encore mobilisés, se portaient régulièrement volontaires, à l’hôpital où ils étaient affectés, pour assurer la garde de nuit et là, des heures durant, se lisaient à voix haute les psaumes démoniaques du Comte de Lautréamont. L’année suivante, Breton recopie, à la Bibliothèque nationale, l’exemplaire unique des Poésies, qui sont publiées en avril, dans le n° 2 de Littérature, revue qu’il vient de fonder avec Aragon et Soupault.
On serait tenté de penser que, dans l’esprit des “scripteurs”, Les Champs magnétiques sont précisément ce “livre futur” annoncé, au seuil de la mort, par le jeune Ducasse. En un sens, en effet, ils répondent à l’injonction de l’initiateur : “La poésie doit être faite par tous. Non par un.” Par-delà les Poésies, les Champs se mesurent aux Chants. L’outrance rhétorique perverse et savante de Maldoror, la sécheresse pseudo-conformiste de Ducasse retournant Pascal et Vauvenargues comme on dépouille un lapin, instituent, dans leur apparente opposition, une zone d’extrême turbulence d’où peut jaillir, sans entraves ni scrupules, la voix automatique.»(Source)

André Breton

(Source de la Bio)

L’écrivain et poète français, André Breton, fondateur et théoricien du surréalisme, naît à Tinchebray le 19 février 1896. Il décède à Paris le 28 septembre 1966.

En 1900, sa famille bourgeoise d’origine bretonne déménage pour Paris. Dès le lycée, André Breton se consacre à la poésie. À cette époque, il est surtout marqué par le symbolisme, qu’il préfère au naturalisme de Zola. En 1915, Breton entreprend des études de médecine, qui sont pour lui “pur alibi”.

Au début de la guerre, tout en étant encore apolitique, il s’oppose déjà à l’esprit militariste de l’époque. Assistant dans un centre de neuropsychiatrie sur le front, il doit faire face aux souffrances et au désarroi des soldats. Il découvre les travaux de Freud et se prend d’un vif intérêt pour l’inconscient et pour les états intermédiaires entre rêve, imagination et réalité.

De retour à Paris, André Breton et ses amis poètes Aragon et Soupault se plongent dans l’univers fantastique et ténébreux des Chants de Maldoror d’Isidore Ducasse. En 1916, il fait la connaissance des poètes Guillaume Apollinaire et Jacques Vaché, dont les oeuvres l’enchantent. En 1919, après leur mort, il s’engage dans la revue Littérature. Il élabore avec Soupault l’ “écriture automatique” et participe à des actions Dada à Paris.

“C’est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires. L’existence est ailleurs.”

André Breton, Manifeste du surréalisme

André Breton épouse Simone Kahn en 1921. Ils travaillent tous les deux au Bureau de recherches surréalistes et vivent notamment de commerce d’art. C’est ainsi qu’André Breton découvre et soutient des artistes comme De Chirico, Max Ernst et Man Ray, pour n’en citer que quelques-uns.

En 1924, André Breton rédige le premier manifeste du surréalisme, posant ainsi les bases et définissant l’orientation du mouvement.

Désirant provoquer également des changements sociaux et politiques, André Breton se rapproche à partir de 1927 du Parti communiste français. Mais son horreur de tout dogmatisme le pousse à reprendre ses distances dès 1935.

En 1930, dans un deuxième manifeste du surréalisme, Breton affirme que le surréalisme a pour mission la révolution sociale et artistique.

Suivent des conférences, des expositions, le lancement de nouvelles publications (La révolution surréaliste, 1924, Le surréalisme au service de la révolution, 1930–1933, Minotaure, 1933– 1939).

Au début de la Seconde Guerre mondiale, André Breton se réfugie aux États-Unis comme de nombreux surréalistes, mais il regagne la France en 1946. Il poursuit son travail de journaliste et continue à défendre le surréalisme jusqu’à sa mort en 1966. 

Philippe Soupault

(Source de la Bio)

Philippe Soupault, né à Chaville le 2 août 1897 et mort à Paris le 12 mars 1990, à l’âge de 93 ans, est un poète français, cofondateur du surréalisme. Il est inhumé au cimetière de Montmartre (17e division).

Avec ses amis André Breton et Louis Aragon, il participe à l’aventure Dada, qu’il considère comme une « table rase nécessaire », pour ensuite se tourner vers le surréalisme, dont il est un des principaux fondateurs avec André Breton. Avec ce dernier, ils ont en effet écrit le recueil de poésie Les Champs magnétiques en 1919, selon le principe novateur de l’écriture automatique. Ce recueil de poésie peut être considéré comme une des premières oeuvres surréalistes, alors que le mouvement ne sera lancé effectivement qu’en 1924 avec le premier Manifeste du surréalisme d’André Breton.

Soupault est cependant exclu du mouvement surréaliste en 1926, avec le motif « trop de littérature », alors que le mouvement surréaliste s’engage dans la cause communiste.

Le 7 novembre 1933, lors de la « fête de la Révolution » à l’ambassade soviétique où se retrouve le Tout-Paris intellectuel, Philippe Soupault fait la rencontre d’une Allemande, Ré Richter. Ils se marient en 1937. Ré Soupault fait déjà partie du cercle d’artistes parisiens qui évolue autour de Man Ray, Fernand Léger, Elsa Triolet, Max Ernst, Kiki et bien d’autres. Cette ancienne élève du Bauhaus et amie des dadaïstes berlinois, leur fait découvrir l’avant-garde allemande jusque-là peu connue en France. Le couple qu’elle forma avec Philippe Soupault concrétise ce fructueux partage artistique.

“Quand on est jeune, c’est pour toujours.”

Philippe Soupault

Depuis la fin des années 1920, Philippe Soupault est devenu un journaliste français très célèbre. Il croit au talent de sa femme qui a étudié l’art et il la convainc donc d’illustrer ses reportages. Dès 1934, le couple Soupault sillonne le monde, voyageant en Allemagne, en Autriche, en Suède, en Angleterre puis aux États-Unis. Lui écrivant, elle photographiant. En 1935, ils font ensemble une série de reportages en Norvège, de nouveau en Allemagne, en Tchécoslovaquie, en Angleterre, en Espagne (1936) et enfin en Tunisie.

Philippe Soupault est chargé par Léon Blum, alors président du Conseil du Front populaire, de lancer une nouvelle station antifasciste Radio Tunis, qu’il dirigea de 1937 à 1940.

Pourchassés tant par la police de Vichy que par la dictature nazie, Philippe Soupault est emprisonné durant six mois. Ils parviennent, par un heureux concours de circonstances et sans pouvoir rien emporter, à fuir clandestinement hors de Tunisie en novembre 1942, un jour avant que les troupes allemandes de Rommel n’envahissent Tunis. Leur maison de la rue el Karchani sera plusieurs fois pillée. Ils passent par l’Algérie et vont se réfugier sur le continent américain.

Durant l’année 1943, Philippe Soupault est chargé de nombreuses missions en Amérique du nord, centrale et du sud, où il travaille à reconstruire le réseau des agences de presse françaises pour le gouvernement de Charles de Gaulle. Ils retrouvent à New York leur groupe d’amis parisiens, Walter Mehring, Man Ray, Fernand Léger, Marcel Breuer, Herbert Bayer, Kurt Weill, Max Ernst. Ré accompagne Philippe dans tous ses voyages.

L’année 1945 marque la séparation du couple Soupault.

Sa poésie est depuis le début très cosmopolite et ouverte aux mouvements d’avant-garde. Soupault fut aussi journaliste, critique, essayiste, producteur à la radio (en compagnie de Paul Gilson) et l’auteur de nombreux romans.


Pour en savoir plus

1 Comment

Leave a Reply