J’ai commencé la lecture de cet essaie sur Robert Schumann écrit par Philippe André, un psychiatre et psychanalyste. L’ouvrage tente de déterminer quel rôle les tourments de la folie de Schumann ont joué dans son oeuvre musicale. Des documents psychiatriques privés ont été rendus public il y a quelques années et avec ces nouvelles informations, le psychiatre essaie d’identifier de quel mal Schumann aurait véritablement souffert. L’auteur est également musicien et réussi donc à faire des liens extrêmement intéressants entre les procédés musicaux de Schumann et son identité personnelle. L’ouvrage m’intéresse particulièrement parce que mon dernier mouvement abordera les thèmes de la folie, de la mort et de la métamorphose de Schumann et donc une compréhension psychologique de l’homme m’aide à placer les morceaux du casse-tête et à bien imaginer mon œuvre. Aussi, le livre traite beaucoup du Carnaval et des Davidsbündlertanze, les deux œuvres musicales clées de mon troisième mouvement (celui sur lequel je travaille actuellement), puisque ces pièces mettent en scène Eusebius et Florestan, les deux personnages pseudonymes complémentaires de sa personnalité. Je n’ai pas encore terminé la lecture du livre, mais déjà je suis comblée.
“Mais ce Carnaval, combien d’entre nous n’ont-ils pas découvert Schumann à travers lui et combien il sera pièce emblématique de son compositeur ! Il est réellement lisible comme « une sorte de Bible schumannienne, à laquelle il faut se reporter comme à l’Orgelbüchlein pour Bach ». Poursuite de la veine fragmentaire initiée par les Papillons op. 2 (on remarquera que les titres des premières œuvres de Schumann étaient écrits en français), c’est surtout, au-delà du jeu de cryptage que rend possible la notation musicale allemande à base de lettres , un incroyable jaillissement imaginaire, ronde éternelle de la Phantasie, marqué par le rythme, la couleur et l’imprévisibilité. Le paradoxe des masques portés durant la période de Carnaval est qu’ils autorisent justement à lever un autre masque, à dévoiler ce qui se cache derrière la persona (C. G. Jung) qui finit par nous gouverner à force d’en user. Et Schumann, pourfendeur des « philistins » dans sa marche finale des Davidsbûndler, ne peut longtemps dissimuler ses sentiments profonds à travers ce cortège de figures tirées de la commedia dell’arte.”
Philippe André, Robert Schumann, Folies et musiques
